Code EAN 13 : 2000400014117
éditeur : AMC
date de parution : 14/04/2016
nbre de pages : 130
format : 23 x 30 cm
langues : Français
ÉDITO
Chaîne
La financiarisation des processus de construction de la ville conduit inéluctablement à son appauvrissement urbain et architectural. Nicolas Michelin, architecte urbaniste d’un grand nombre de quartiers, en fait le constat dans son manifeste publié sur amc-archi.com le 31 mars. D’un bout à l’autre de la chaîne, de la banque à l’architecte, en passant par le promoteur, l’aménageur et l’élu, le mécanisme est implacable : « Verrouillés par les impératifs financiers et les rendements que leur demandent les actionnaires, les groupes immobiliers sont contraints de densifier et de simplifier les opérations de construction et d’abandonner leurs ambitions environnementales et sociales », analyse-t-il en substance. L’aménageur, soucieux de l’équilibre économique de l’opération, accepte des « produits » peu qualitatifs mais rentables ; et l’élu, soucieux de sa réélection et de loger ses administrés, est pressé de voir l’opération se concrétiser. Ils suivent donc le mouvement. L’architecte, cinquième roue du carrosse, voit alors son projet se dégrader, amputé de ses principales spécificités, avec des prestations réduites : « fenêtres en PVC, enduit plastique sur isolant, loggias diminuées, cuisine en second jour… » Au final, l’habitant trouve des logements standardisés, généralement petits et chers, qui ne correspondent pas à ses attentes, dans des quartiers banalisés, reproduits par centaines dans les villes françaises. C’est précisément pour échapper à cet enchaînement fatal que l’opération « Réinventer Paris » a été lancée par la municipalité de la capitale (p. 10). Afin d’éviter que les logiques financières ne tuent toute ambition qualitative, les terrains ont été cédés, non pas au plus offrant, mais au plus « innovant ». Des équipes regroupant investisseurs, promoteurs, architectes, bureaux d’études, voire intégrant des associations ou des groupements d’habitants ont été sélectionnées. Des engagements sur le caractère novateur des projets ont été contractualisés avec la ville, qui continuera à suivre de près le déroulement des opérations. Même si tous les doutes ne sont pas levés sur la nature des innovations en question – sans parler des conditions de rémunération des maîtres d’oeuvre – l’initiative mérite d’être saluée. Tant il est urgent, dans le domaine du logement, de revenir au sur-mesure et de rompre avec la production en série. Et pour que le mot architecture ait encore un sens.
Gilles Davoine, rédacteur en chef