l'ARCA International N°142
La revue internationale d’architecture, design et communication visuelle
Mai - Juin 2018
ISSN 1027-460X
Smart-architecture ?
Le développement de l’architecture au cours des millénaires, depuis que l’homme est sorti des ca- vernes et qu’il a eu besoin de se construire une mai- son, a toujours dépendu des matériaux à disposition et des techniques de construction y afférentes. D’abord le bois et la pierre pour réaliser des structures de plus en plus complexes, puis, avec la domestication du feu, la transformation de l’argile en éléments de construc- tion structurels comme les briques, et ensuite la fu- sion de minéraux pour les transformer en fer, cuivre, plomb et bronze, surtout utiles pour certains éléments et en décoration. Ce sont tous des éléments structurels servant à la construction qui, pendant des millénaires, ont été uti- lisés sans grands changements pour réaliser tous les monuments que nous conservons et que nous admirons encore aujourd’hui. Avec les quelques matériaux différents à disposition, les architectes ont toujours dû faire preuve d’ingéniosité et d’intelligence pour bâtir des formes et des structures de plus en plus complexes et originales, mais dont l’aspect chromatique et formel dépendait toujours des caractéristiques des matériaux que seule la nature offrait. Il faudra attendre le XIXe siècle pour disposer de nouveaux éléments industriels, tels que l’acier étiré, qui a permis de réaliser les premiers squelettes structurels et de construire en hauteur, ou le XXe siècle, avec “l’invention” du béton armé aux propriétés extraordinaires qui permettent de concevoir des structures audacieuses et toujours différentes, comme celles de notre époque, qui s’opposent courageusement à la force de pesanteur avec des inclinaisons hors d’aplomb remarquables. Mais même aujourd’hui, alors que les techniques de construction du XXIe siècle dépendent de l’utilisation de matériaux assez limités, comme nous l’avons vu brièvement au début, les éléments architecturaux et les installations ont connu un développement formidable en revanche, grâce aux nouvelles technologies offertes par la science, tant en termes de rendement qu’en ce qui concerne l’aspect, et qui à ce stade, ont permis à l’architecture, du moins au cours des cinquante dernières années, de s’exprimer à travers des volumes et des formes toujours différentes, notamment en ce qui concerne les bâtiments publics ou à usage professionnel. Des formes de plus en plus singulières qui, dans la compétition internationale de l’apparence atteignent dans certains cas des niveaux assez ridicules. Je crois que nous sommes arrivés à une sorte de terminus du projet d’architecture, et qu’il va falloir disposer au plus tôt de nouveaux éléments structurels comme ceux que la recherche scientifique offre par exemple aux domaines de l’aviation, de la navigation et des transports avec l’emploi de matériaux légers et très résistants tel que la fibre de carbonne ou les expérimentations sur le graphène. Toutes ces expériences permettent de réaliser des coques structurelles, qui seront toutes à tester dans l’architecture intelligente à venir. Si cela n’arrive pas au plus tôt, dans les prochaines décennies nous continuerons à concevoir des bâtiments et des gratte-ciel et, par conséquent, à construire des villes toutes caractérisées par l’apparence singulière, émotionnelle et scénographique de leurs bâtiments, et d’avoir peu à offrir à la conception d’environnements et de solu- tions plus appropriées à la société actuelle qui n’est plus celle du XXe siècle. L’architecture est en train de connaître le même état de stase que celui qu’ont connu nos vêtements : de- puis plus d’une cinquante d’années, ils n’ont pas vraiment changé, ne différant que par la coupe, la couleur ou les accessoires, alors que les mœurs ont radicalement changé.