presse

Théâtre Théodore Gouvy à Freyming-Merlebach

AMC n°274
L'equerre d'argent
Les 100 bâtiements de l'année
Les événements marquants

ISSN : 0998-4194
éditeur : AMC
date de parution : Décembre 2018
nbre de pages : 228
format : 23 x 30 cm
langues : Français


Edito
Impensé territorial
Les manifestations des gilets jaunes qui ont marqué le mois de décembre 2018 ont fait surgir de façon inattendue l’indigence des politiques d’aménagement du territoire menées depuis quarante ans. Ce sont bien les territoires de la France abandonnée qui se sont invités sur les Champs-Elysées: les victimes de l’étalement urbain, de la paupérisation des villes petites et moyennes et des départements délaissés par l’emploi. Une France habituellement silencieuse, qui s’est emparée de la parole et de la rue, comme le fit celle des quartiers dit «sensibles». Ce que révèlent aussi ces manifestations, c’est que la ville et le territoire sont restés un impensé des intellectuels, depuis le milieu du siècle dernier. Comme le remarque Roland Castro, dans son rapport sur le Grand Paris remis à Emmanuel Macron en septembre 2018, «Sartre n’a jamais rien dit des grands ensembles de La Courneuve qui se construisaient à 8 km du Café de Flore.» Une pensée exclusivement planificatrice et technicienne s’est imposée pour construire la ville de l’après-guerre. Avec les résultats que l’on connaît. Pas sûr que l’on en soit sorti, comme le montre l’année écoulée. La grande affaire législative concernant le logement, la loi Elan promulguée en novembre, ouvre grand les portes de l’édification, sans concours d’architecture, de quartiers construits vite et pas cher. Avec le risque de réitérer les erreurs du passé, qui ont nécessité, pour les corriger, un Plan national de rénovation urbaine qui aura coûté plusieurs dizaines de milliards d’euros en démolitions-reconstructions. Technocratique et technicienne aussi, la façon dont se fait le Grand Paris. La consultation de 2008-2009 avait pourtant lancé ce programme ambitieux sur d’autres bases, celles d’un urbanisme de projets, qui nouait des relations «entre les lieux et les liens», pour reprendre l’expression de Bernard Reichen (lire p. 34 du numéro). Un Atelier international (AIGP) réunissant plusieurs équipes conduites par des architectes et urbanistes avait même été mis en place. Las, faute de moyens et de volonté politique, celui-ci a dépéri et le Grand Paris s’est réduit à la construction d’un métro souterrain. Mais il arrive que l’architecture, à son échelle, envoie des signes d’espoir: l’Equerre d’argent 2018 distingue un centre de soins psychiatriques dans la banlieue de Metz; le prix de la Première Œuvre, une cantine scolaire à Pamiers, dans l’Ariège. Soit, du nord-est au sud-ouest, aux deux extrémités de cette «diagonale du vide» qui traverse la France.