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Tribunal à Montmorency

Vides conciliateurs
Tribunal d’instance et conseil de prud’hommes, Montmorency
Architecte : Dominique Coulon – Texte : Rafaël Magrou

Le nouveau tribunal d’instance et conseil des prud’hommes de Montmorency instaure un dialogue respectueux avec les maisons en pierre de meulière et les constructions plus récentes. Savamment équilibré par l’architecte Dominique Coulon, il assoit dans l’espace public un volume dont la maîtrise résulte du jeu de contrebalancement de pleins et de vides. Les variations de matière suivent les qualités de lumière et engagent à pénétrer au cœur de ce programme a priori austère. Le programme se développe en une spirale rythmée d’un savant jeu de lumières qui lui octroie une dimension plus conviviale. Dès l’entrée de ville depuis Enghien-les-Bains, le palais de Justice présente un volume aveugle texturé de lits horizontaux de briques anthracite coulissant avec un moucharabieh en briques blanches. Choisis pour leur caractère pérenne et leur patine remarquable, ces modules forment des écrans aux porosités choisies pour s’adapter aux audiences judiciaires qui s’y tiennent. En contournant l’édifice par l’ouest, le monolithe dévoile un patio ouvert en partie haute sur le parvis au nord. Là, un chêne Quercus robur – symbole de la Justice donne la mesure du vide dans lequel la lumière naturelle s’infiltre jusqu’à la salle des pas perdus.

ASYMÉTRIE Pour répondre au souhait des utilisateurs de renouvellement de l’image de la Justice, l’architecte Dominique Coulon a conçu les espaces pour que l’attention aux justiciables accueillis soit plus tangible que la menace du jugement qu’ils attendent. L’architecte écarte ainsi toute composition symétrique. Au lieu de la pesanteur qui caractérise généralement l’image de cette institution, ici, la conjugaison de glissements des volumes les uns par rapport aux autres et de décollement des masses de la base génère un enroulement de rubans matériels autorisant éclairages et vues plurielles. La posture balancée est accentuée par le bloc des bureaux suspendus formant un auvent protecteur de l’entrée principale. Disposée à l’angle, celle-ci détermine d’emblée le désaxement des composantes. En outre, les briques accordent une échelle humaine à l’édifice, ainsi que les scansions verticales des lames de bois variés qui rythment le front nord pour préserver les salles de travail supérieures des vis-à-vis. Comme souvent avec le travail de l’agence Coulon, les baies sont contenues dans des cadres métalliques qui associent vitrages fixes et volets pour la ventilation, évitant l’épaisseur disgracieuse des huisseries. Placées selon les nécessités du programme, elles correspondent aux bureaux suivant les strates du programme : salles d’audience en rez-de-chaussée, tribunal d’instance au premier et conseil de prud’hommes au second.

BASCULEMENT DYNAMIQUE En opposition avec l’aspect statique du volume parallélépipèdique de l’enveloppe, le visiteur découvre une fois le seuil franchi le vide sculptural de la salle des pas perdus. Cet espace dynamique composé de diagonales favorise la convergence visuelle des services administratifs vers la salle des pas perdus grâce à un jeu de coursives légèrement décalées les unes par rapport aux autres. Dans une tonalité d’un gris sourd équilibre délicat entre la notion de pénombre recherchée par le concepteur et la perception plus caverneuse ressentie par les utilisateurs, cet origami spatial réagit aux multiples sources de lumière. Vive et venant du sud, elle pénètre par le haut ; artificielle, elle irradie sous un banc filant ; elle est encore tamisée par les claustras puis par le verre dépoli des salles d’audience qui s’ouvrent sur le patio planté. Cette respiration atténue l’austérité de leurs aménagements. En contraste, l’architecte souligne le rituel d’entrée des juges par l’éclat orange du couloir protégé qui sépare leur accès de celui des visiteurs. L’épaisseur de ce passage secret concrétise la frontière entre parvis et patio planté et protège les salles d’audience.

D’ARCHITECTURES 231 - NOVEMBRE 14