l'ARCA International N°136, Mai 2017
Editeur : S.A.M M.D.O
ISSN : 1027-460X
Ce sont incontestablement des temps difficiles, ceux que la profession d’architecte traverse actuellement. Plus de cinq cent mille professionnels travaillent en Europe, dont pas moins de cent cinquante mille en Italie, dans un marché où la crise économique d’une part, et la globalisation des offres de projets de l’autre, ne laissent que peu de place à l’innovation technique et culturelle. Cette situation crée de grandes difficultés et conduit à la parcellisation du travail des agences d’architecture, qui s’orientent de plus en plus vers une structure de petite taille, et la diversification des interventions d’intérêt. Un gros problème qui concerne les dizaines de milliers de jeunes architectes qui devraient affronter un marché très sélectif, pas tant en termes de qualité des projets mais plutôt en termes de concurrence de plus en plus impitoyable dans l’offre de prestations revue à la baisse des jeunes collègues qui ont absolument besoin de décrocher un premier contrat pour pouvoir démontrer leur compétence et leur créativité. Les grands concours internationaux - q ui, dans le passé en Europe, ont permis à de nombreux jeunes de s’affirmer, au point qu’aujourd’hui, n’ étant plus jeunes, ils sont tous à la tête de grandes agences d’architecture internationales - semblent devenus rares et, lorsqu’ils sont lancés, seules les grandes agences peuvent participer, et justement ces architectes qui, il y a quarante ans, remportaient ces concours alors qu’ils étaient des jeunes sans expérience. Le célèbre concours lancé pour la réalisation du Centre Pompidou, par exemple, auquel quiconque pouvait participer, et auquel plus de cinq cents agences d’architecture du monde entier avaient répondu, avait été remporté par quatre jeunes gens d’une trentaine d'années. Je me demande, et je ne suis pas le seul à me le demander, quels sont les motifs économiques et politiques pour lesquels, dans une période où les investissements privés dans la recherche de qualité architecturale se font rares, les États européens, et l’Italie en premier, continuent d’ignorer une situation professionnelle qui risque d’imploser par manque de missions et d’expérience. On empèche ainsi toute une génération de participer d’ égal à égal, en proposant, par le biais des concours, des solutions aux graves problèmes urbains et sociaux qui nécessitent toujours plus des propositions qui soient développées par l’architecture, justement. C’est l’unique processus physique et environnemental qui peut nous permettre de vivre mieux dans le respect des autres et de la nature. Il y a tout lieu de croire que si l’on n’intervient pas rapidement, en requalifiant le sens du projet et dans le respect de la contemporanéité et de son interprétation par les jeunes générations, le marché de l’immobilier prendra le dessus, en s’adressant aux grandes sociétés anonymes de la conception aux seules fins d’obtenir des services à moindre coût avec une qualité de prestation et d’esthétique qui ne convient qu’au marketing. Je ne crois pas que l’architecture mérite un tel avilissement.