archistorm #41 - mars - avril 2010 Editeur : Bookstorming ISSN : 1763-6331
Archistorm n°41 – MARS AVRIL 2010 article sur le Centre Dramatique National de Montreuil, par Juliette Soulez
LA MIMESIS DES EDIFICES CULTURELS ET DE LA VILLE
Les édifices culturels ont beaucoup été construits comme des bâtiments-spectacles remarquables et solitaires. Aujourd'hui, d'autres types de bâtiment émergent, plus expérimentaux et s'intégrant mieux dans leur environnement urbain au point de le reproduire, grâce notamment à l'utilisation des techniques de simulation 3D et de la vidéo. Retour sur cette nouvelle tendance qui fait un pont avec les expériences passées des architectures utopiques.
Dans les ouvrages pour la culture, théâtre, auditorium ou musées entre autres, après des années de bâtiments-signaux ou icônes oeuvres souvent solitaires et qui font événement au sens communicationnel su terme via leur monumentalité, leur forme inédite ou leur star-architecte, au vu de la crise économique, sociétale et écologique, la tendance actuelle dans l’architecture consiste à se recentrer sur l’existant en réhabilitant l'ancien soit de manière libre comme dans le cas des ouvrages déjà très connus de Patrick Bouchain soit en y pluggant des espaces hétérogènes comme dans le cas du Frac Centre par Jakob+MacFarlane.
Mais cette tendance tend également vers des pratiques architecturales qui rencontrent l’urbanisme des quartiers où les bâtiments viendront bientôt s'implanter en se fondant dans l'existant dans un rapport de mimesis avec leur environnement. Dans la Cité du design de Saint-Étienne de Finn Geipel avec la forme simple, miroitante et rectangulaire, la « platine » s'ajoute à la réhabilitation des autres bâtiments un peu austères du site et reflète finalement les lieux existants en les reproduisant.
Mais tel est aussi par exemple le projet du musée du Film d'Amsterdam par Delugan Meissl: un bâtiment complètement horizontal, conçu à l'image du mouvement des vagues du canal à côté duquel il sera construit ou comme la coque d'un bateau. Cette horizontalité en fait ainsi un lieu presque confidentiel dans lequel on entre comme on s'aventure à découvrir une ville sur un plan. S'il s'était agi de verticalité pour ce bâtiment, on y serait rentré en sachant notamment à quel étage trouver ce que l'on y cherche avec un parcours fléché par avance comme dans la plupart des grands musées.
Reproduire le site et éviter un parcours trop mécanique sont deux idées qui mènent les architectes vers plus d'expérimentation.
Dans le cas du théâtre de Montreuil, une ville à l'urbanisme éclectique dont le centre-ville a récemment été redessiné par Alvaro Siza, l'architecte Dominique Coulon a beaucoup joué avec des décrochements de volume, des pleins et des vides sculptant véritablement le bâti de manière à reproduire un paysage accidenté ou une trame urbaine, voire même une montagne rocheuse à l'intérieur et à l'extérieur.
Ainsi, ce nouveau théâtre n'est-il pas un objet solitaire parachuté sur la place de la mairie de Montreuil; il peut tout autant s'apparenter à un morceau de ville qu'à une nature encore brute. Avec le musée du film d'Amsterdam, ce théâtre rejoint le projet plus monumental de l'opéra d'Oslo. Le plan incliné de cet opéra permet diverses hauteurs et niveaux dans le bâti, ainsi qu'un relief composé, et crée différents parcours possibles intérieurs ou extérieurs. Continuant le plan d'eau du golfe d'Oslo, son architecture est en apparence douce et en symbiose avec son environnement. La confidentialité du lieu réside encore ici à une plus grande échelle dans l'expérience singulière de cet espace pentu qui n'existe nulle part ailleurs dans la ville.
Le caractère unique des espaces mis en jeu par le bâtiment indique alors une voie pour les architectes quant à une possible appropriation de ces espaces à la fois collective mais également individuelle et subjective. Ainsi en va-t-il aussi pour la Philharmonie de Paris conçue par Jean Nouvel en stricte continuité avec le parc de La Villette. Là, les espaces de restauration, de récréation ou d'accueil se repartissent en différents points du bâtiment créant un parcours surprenant qui détourne la mécanique habituelle des auditoriums et autres édifices dédiés aux spectacles musicaux.
Aussi, moins clinquant que des tours, plus complexes que des résidences, la tendance pour les édifices culturels aujourd'hui va vers une expérimentation de l'espace, et moins vers la forme spectacle et monumentale d'un Centre Pompidou-Metz par exemple, malgré ses qualités architecturales indéniables pour un lieu d'exposition d'art moderne et contemporain. Quant à la communication de ces édifices auprès du grand public, elle n'est pas moins puissante et peut-être même est-elle plus efficace, notamment grâce à la simulation 3D et à la vidéo.